Vous l’avez compris, j’ai une passion pour le Seigle. Cette céréale est de la famille des poacées (syn. graminées) comme le blé mais n’a rien de génétiquement commun avec ce dernier même si elle en est très proche. En Europe les traces de culture remonteraient à deux mille ans av. J.-C. C’est une belle plante robuste, résistante au froid, à la sécheresse, productive et appréciant les terres pauvres. En France on le cultivait beaucoup dans le Massif Central sur les Ségélas. Souvent planté en association avec du blé, le Seigle permettait de valoriser les terres, accessoirement de nourrir les animaux avec le fourrage mais surtout de faire des pains rustiques qui se gardaient très longtemps et au fort pouvoir nutritif.
Malheureusement ce pain noir était trop associé à une image de misère et de conditions de vie difficiles en milieu rural, il a été facilement supplanté par le pain blanc à la ville. Après la 1ère Guerre Mondiale, la disparition des paysans sur le front, l’industrialisation des cultures et la massification des exploitations agricoles ont parachevé la mise en sommeil du Seigle.
Du point de vue panification le Seigle donne une farine, qui une fois transformée en pâte, ne permet pas d’obtenir comme le blé un réseau de gluten (« filet » de protéines qui structure le pain). La pâte se développe faiblement, la conduite de la fermentation est particulièrement délicate. De nombreux boulangers avaient donc abandonné le travail du Seigle.
Selon la législation Il faut savoir qu’il existe 2 types de pains de Seigle :
Appellation « pain de seigle » : farine de Seigle + farine de blé (<35% du mélange total)
Appellation « pain au seigle » : farine de blé + farine de seigle (donc la quantité doit être 10% supérieure à celle du blé).
Pour ma part j’ai choisi de travailler mes pains de Seigle en pur, c’est à dire 100% de farine de Seigle et uniquement avec un levain de Seigle fait avec la même farine, afin d’en révéler le gout (sucré, suave, notes de pain d’épice) et les parfums mais aussi conserver toute sa valeur diététique (index glycémique bas, baisse du cholestérol, amélioration du transit). Attention même si la farine de Seigle ne développe pas de gluten, elle contient des protéines (prolamines) qui l’exclu de fait si vous êtes atteints de la maladie coeliaque.
Jusqu’à présent je travaillais avec le Seigle cultivé et moulu dans la Brie par La Ferme du Chaillois. Il s’agit de la variété Elego créée en Autriche en 2009 et offrant de bonnes qualités boulangères. Le résultat donne de jolies tourtes très agréables à déguster. Mais je voulais absolument revenir à une variété ancienne de Seigle pour pousser encore plus loin la découverte du potentiel de cette céréale. J’ai donc cherché mon bonheur en Auvergne, berceau historique du Seigle. Il y a 3 ans j’avais traversé une partie de la France en vélo. J’étais tombé sous le charme du Cantal et de la Margeride. La Margeride est un haut plateau granitique (environ 1000m) entre Saint-Flour et le Puys-en-Velay. A l’Automne 2000, onze agriculteurs et un meunier re-créaient une filière Seigle en semant 47 hectares d’une variété ancienne Pektus d’origine allemande. Depuis la filière s’est structurée, elle a permis le maintient et la valorisation de la culture du Seigle en Margeride.
Certains d’entre vous ont gentiment joué les testeurs en goutant mes différents essais à partir de la farine du Seigle de Margeride. J’ai finalement choisi une mouture semi-complète pour garder des fibres, avoir une belle couleur brune mais ne pas tomber sur une mie trop dense et des parfums trop charpentés et exclusifs. Je travaille toujours en pur et le résultat donne une croute croquante, très aromatique, une mie moelleuse et pleine de saveurs. J’arrive également à plus de volume. Mais je vous laisse découvrir cela et me donner vos impressions.
Idéalement le pain de Seigle est à consommé le lendemain de sa cuisson avec que la mie humide puisse sécher légèrement et commencer à bien dégager les arômes. Il se conservera plus d’une semaine sans avoir à le congeler.
Un mot sur l’aspect logistique de mon approvisionnement. J’essaye de rationaliser et de limiter les transports. Avec l’augmentation de mon volume de fabrication, je commande de plus en plus de farine de blé de pays à La Ferme du Chaillois. Je fais venir à chaque fois une palette de 500kg qui est le maximum de leur capacité de transport). J’évite ainsi tout transport en sous-capacité et je réduis leur fréquence.
Pour le Seigle de Margeride, les Moulins de Perthus et d’Antoine qui me fournissent disposent d’un petit dépôt dans le Val de Marne pour servir localement leurs clients franciliens. Je peux ainsi me faire livrer en une seule fois suffisamment de farine sans qu’elle vienne spécialement d’Auvergne pour moi.